Interview Hervé Tullet – L’oeil d’Olivier
Hervé Tullet donne vie à ses contes pour tous
À la Colline-Théâtre national, à la demande de Wajdi Mouawad, directeur du lieu, l’illustrateur et auteur Hervé Tullet sort les histoires de ses livres pour leur donner vie sur un plateau improvisé entre scène et foyer. Concrétisant un de ses rêves les plus fous, l’illustrateur et auteur normand invite petits et grands à participer ensemble à l’aventure Choréographiques.
Comment est née votre envie d’écrire ?
Hervé Tullet : Ça remonte à loin. Plus de 30 ans. J’ai d’abord commencé par être illustrateur. Et j’imagine que le goût de raconter des histoires est né de cette première expérience. Pour appuyer les idées d’un texte par un dessin, il faut forcément un récit. Les deux disciplines s’imbriquent parfaitement et correspondent à quelque chose que je portais en moi. C’était à l’époque un territoire nouveau que j’abordais, j’étais passionné, fasciné. J’ai fait un, deux, trois livres et je ne m’en suis jamais lassé. D’autant plus que mes premiers ouvrages sont liés à un travail que je faisais avec les banlieues. L’idée était de les amener par des récits à dépasser leur territoire, d’aller vers d’autres ailleurs. J’ai vécu cela comme une mission, un endroit de partage et de création dans des milieux certes difficiles mais captivant à explorer. On peut dire que c’est le point de départ de toute l’aventure, de ce qui me mène aujourd’hui à la Colline, à conter des fables et de permettre au public d’être partie prenante de l’expérience. Ma manière d’écrire, de faire récit est implicitement participative.
Et pourquoi la littérature jeunesse plus particulièrement…
Hervé Tullet : Je n’aime pas trop ce terme. Je le trouve trop réducteur. J’écris pour des gens, pour des enfants, mais surtout pour jouer avec eux, pour créer des espaces de partages entre un gamin et un adulte. D’autant que mes livres n’ont pas de fin propre. C’est ensemble que le lecteur et le ou les auditeurs construisent la suite du récit. Mes œuvres ne sont pas composées d’un texte à lire, de dessins à regarder. Elles se nourrissent d’une expérience commune, vécue à deux ou à plusieurs. Mais disons qu’au début, dans les années 1990, il y avait un courant, une mode autour de la conception de livres créatifs pour les enfants. J’aimais l’idée d’aller sur des chemins moins empruntés, de tenter des choses un peu différentes de ce à quoi on est habitué. Et puis il y avait un nombre incalculable de pistes à explorer, de nombreuses possibilités de création. Après c’est une histoire d’heureux hasards. J’ai trouvé le bon éditeur. L’entente a tout de suite été complice. Il a laissé libre court à mes idées. J’avais plein d’espaces de liberté. À y repenser, c’est assez dingue !
Cette nouvelle expérience, cette nouvelle corde à votre arc, change-t-elle quelque chose à votre travail habituel ?
Hervé Tullet : Je ne sais pas. C’est trop tôt pour le dire. Je vis cette expérience comme un moment unique où je joue l’acteur. C’est très nouveau comme sensation. Les journées sont assez calmes, pour pouvoir déployer toute son énergie au moment d’être devant les gens venus me voir. Du coup, je me suis installé dans une forme de routine. Ce qui me va parfaitement. Je suis très casanier. Un bon livre me suffit, pas besoin de tout le temps courir. Du coup, je ne me vois pas tourner ce spectacle. C’est une création unique pour la Colline. Et c’est tout. En revanche, étant quelqu’un de très transversal, j’adorerais faire un spectacle de danse à partir de mes écrits, travailler avec un chorégraphe qui traduirait mes mots en gestes. Je suis comme un pêcheur qui attend l’opportunité, le poisson qui va mordre.
D’où vient ce terme Choréographiques ?
Hervé Tullet : Il y a bien évidemment l’idée de mouvement, de danse. Les gens qui m’accompagnent au plateau bougent. Il y a tout un travail de déplacement qui a été pensé. Et puis je suis quelqu’un de très graphique du fait de mon métier. Je trouvais jolie l’idée d’associer ces deux notions dans le titre du spectacle. Cela le définit parfaitement.